Le débat sur l’homosexualité est ouvert depuis plusieurs mois en Tunisie. Ce n’est plus un sujet tabou dans les médias, même si on le traite rarement comme il se doit (populisme oblige). Quoi qu’il en soit, cela ne peut être que positif parce que le modernisme et la démocratie des pays se mesurent essentiellement, à mon avis, par le degré de leur respect des minorités dont la société ne veut pas reconnaître l’existence et/ou les droits.
Les homosexuels font certainement partie de ce genre de minorités en Tunisie et dans la plupart des pays du monde puisque d’un côté les lois criminalisent l’homosexualité et que d’un autre côté, les sociétés approuvent en majorité cette criminalisation et n’acceptent l’homosexualité que lorsqu’il s’agit d’un efféminé qui fait du show (comme Shams Eddine Bécha). En revanche, dès qu’il est question de droits civils, c’est une autre pair de manche.
Les principales raisons pour lesquelles l’homophobie est si enracinée chez les Tunisiens et dans la plupart des sociétés rétrogrades sont, à mon avis, les suivantes :
– La tendance de l’être humain à refuser la différence de façon générale, voire à en avoir peur, pensant que celle-ci représente une menace pour lui. D’ailleurs dans « homophobie », il y a le mot « phobie » qui signifie avoir peur sans motifs raisonnables. L’histoire de l’humanité (guerres, racisme, sexisme, etc.) ainsi que certaines études psychologiques et sociologiques démontrent clairement cette caractéristique humaine.
– La tendance de l’être humain à refouler son aspect homosexuel, qui existe, scientifiquement, chez toutes les personnes, à différents degrés. En effet, il n’y a pas une personne homosexuelle à 100% ou hétérosexuelle à 100%, tout le monde combine les deux orientations et c’est la dominante qui détermine l’orientation adoptée, à quelques exceptions près : « les parfaits bisexuels ». Et c’est ce refoulement, qui n’est donc même pas un processus conscient, et qui est motivé par la honte, la peur du rejet, etc. qui est souvent converti en une haine envers l’homosexualité.
– Le fait de croire que l’homosexualité n’est qu’un simple choix, et que la personne peut décider d’être homosexuelle ou pas, un peu comme s’il s’agissait de choisir les couleurs des vêtements qu’elle porte. Cela est, bien entendu, totalement faux, parce que l’homosexualité a deux motifs principaux, et que dans les deux cas, il n’y a pas de libre arbitre : 1- Naître avec une orientation à prédominance homosexuelle : * soit pour des raisons génétiques : les dernières études scientifiques montrent que le rôle des gènes dans l’attribution de l’orientation sexuelle de l’individu est supérieur à leur rôle dans la détermination de la main de prédilection (être gaucher ou droitier). * soit pour des raisons hormonales, et on a tous vu au cours de notre vie des femmes qui ressemblent plus aux hommes et inversement. 2- Acquérir l’orientation homosexuelle suite à une ou plusieurs expérience(s) de vie n’ayant rien à voir avec ce qu’on peut appeler « choix ».
– Le fait de penser que l’homosexualité est contre-nature, c’est à dire qu’elle n’existe pas dans la nature mais seulement chez les humains, et cela est également faux, parce que non seulement l’homosexualité existe, mais en plus avec abondance, dans la nature. En effet, il y a près de 1500 espèces qui pratiquent l’homosexualité (comme les dauphins, les éléphants, les moutons, les chats, les lapins, les souris, etc.) sans parler de celles qui la pratiquent de façon exclusive, à l’instar du dragon de komodo (un genre de reptile).
– Le fait de croire que l’homosexualité est une maladie. Cela aussi est faux, puisque depuis 1973, l’homosexualité a été retirée de la liste des maladies mentales par l’Association Américaine de Psychiatrie, suivie, en 1992, par l’Organisation Mondiale de la Santé. Aujourd’hui, il n’y a plus que les ignorants qui considèrent l’homosexualité comme étant une maladie. Sinon, en dépit de ce fait médical, personnellement, j’ai un problème d’ordre éthique avec les gens qui pensent que l’homosexualité est une maladie et qui, avec ça, approuvent la criminalisation des homosexuels.
– Le fait de croire que l’homosexualité cause des maladies sexuellement transmissibles (MST), et cela est, comme d’habitude, faux. Certes, il y a un rapport statistique significatif entre l’homosexualité et les MST, toutefois, la raison de ce rapport n’est pas l’homosexualité en tant que telle, mais le grand nombre de partenaires sexuels, en général, dans les relations homosexuelles. Cette pluralité peut être expliquée, à son tour, par le refus de la société qui complique les chances de pouvoir nouer une relation (homosexuelle) stable. Il est donc plus pertinent de considérer l’homophobie comme cause potentielle des MST que d’en faire une projection sur l’homosexualité. Dans tous les cas, la prévention des MST est la même pour les homos et les hétéros (dont, cela dit en passant, un grand nombre pratique le sexe anal), et le préservatif reste le moyen le plus efficace pour cette fin.
– Les croyances religieuses. En effet, la plupart des religions, et celle des Tunisiens -qu’est l’islam- ne fait pas l’exception, sont par essence homophobes et considèrent l’homosexualité comme étant un très grand péché, et ce principalement pour les raisons citées ci-dessus étant donné que la religion représente LA référence morale pour la société qui la met en place.
– L’endoctrinement, qui empêche les homophobes de faire des recherches et des efforts mentaux et intellectuels afin de remettre en question leurs évidences sociales et religieuses.
Finalement, il est important de rappeler que l’homosexualité ne se limite aux rapports sexuels. Avant d’être une orientation sexuelle, l’homosexualité est une orientation sentimentale. Il s’agit d’éprouver des sentiments envers une personne du même sexe… le désir corporel et le rapport sexuel n’en sont que la consécration.

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